In memoriam Jean-Louis Girodot
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Les nombreux hommages consacrés à Jean-Louis Girodot depuis sa disparition, survenue le 1 er juin 2019, sont d’autant plus mérités que l’homme, au-delà du dirigeant mutualiste, coopératif et associatif et du journaliste connu et reconnu, fut un homme de conviction. Il appartenait à une génération qui a cru dans les principes, valeurs et spécificités de l’économie sociale, qui a su conjuguer projet politique et gestion, une génération qui a très largement contribué à faire de l’économie sociale ce qu’elle est aujourd’hui. Militant engagé, il a su plaider inlassablement sa cause et contribué à sa reconnaissance tant auprès des pouvoirs publics, quels que soient les gouvernements au pouvoir, qu’auprès de la société civile organisée, idée qui lui était particulièrement chère. Cet engagement, il l’a porté auprès de ses pairs de l’économie sociale, mais aussi à l’extérieur, jouant le médiateur ou le conciliateur et facilitant les rencontres avec bonheur.
Soulignons la cohérence de l’homme engagé
Au sein du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de l’Ile-de-France, où il a représenté la Chambre régionale de l’économie sociale (Cres), il a été choisi comme président du 3 e collège, qui regroupe les représentants de la société civile. Puis, devenu président du Ceser de novembre 2013 à décembre 2017, il a contribué à conférer, au sein de cette assemblée, une place importante à l’économie sociale, parce qu’elle constitue « les forces vives » de la région. Ainsi, en octobre 2017, énonçant devant l’assemblée plénière du Ceser les grands défis à relever, il a nommé la lutte contre l’illettrisme, sujet fédérateur à ses yeux pour la société civile organisée. « La maîtrise de la langue française, disait-il, est non seulement un sujet transversal, puisqu’il touche le monde de l’éducation, le travail, la citoyenneté, la culture, mais aussi un sujet incontournable, car le langage se situe à la croisée des chemins entre l’individu et la société ». Sa mère, institutrice laïque et républicaine, y est sans doute pour quelque chose.
Cette reconnaissance, au sein du Ceser, de l’économie sociale en tant que valeurs et modes d’entreprendre était l’aboutissement de nombreuses années de militance de Jean-Louis. N’oublions pas son rôle dans la transformation des groupements régionaux de la coopération, de la mutualité et des associations en chambres régionales de l’ES (Cres), elles-mêmes regroupées en un comité national. La prise en considération de ce développement territorial est un aspect capital de la reconnaissance du secteur et de son dynamisme. C’est ainsi que la Délégation interministérielle à l’économie sociale, un an après sa création en 1981, a instauré le réseau des correspondants régionaux auprès des préfets de région et un maillage – d’abord le Groupement régional des coopératives, mutuelles et des associations (GRCMA) puis les Cres – afin de bâtir une politique de développement territorialisée. En 2006, les régions sont intervenues à leur tour pour appuyer et renforcer cet axe de développement. Il fut le patient visionnaire en même temps que l’acteur militant de cette construction.
Engagé tout au long de sa vie en faveur de l’intérêt collectif, Jean-Louis Girodot aura aussi marqué l’histoire du Crédit mutuel. Pionnier de la banque coopérative en Ile-de-France, il a participé en 1973 à la création de la caisse de Courbevoie avant de présider, dès 1980, celle de Montmartre-Grands Boulevards. Pleinement engagé dans sa région, il est devenu président de la Fédération du Crédit mutuel d’Île-de-France en 1995 et un membre assidu du conseil de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM), ainsi que du Centre international du Crédit mutuel (CICM) et de Crédit mutuel Alliance fédérale (CMAF).
Si l’on considère maintenant, en dépit de son format modeste, La Lettre de l’économie sociale, à laquelle il était profondément attaché, notamment parce qu’il en a été l’un des fondateurs, elle constitue une véritable chronique de l’économie sociale sur près de trois décennies. Elle est aussi le reflet des débats, voire des controverses, qui ont émaillé l’histoire de la reconnaissance de l’économie sociale. Les chercheurs qui voudront retracer cette histoire y trouveront ample matière à récit. À l’heure où mémoire et archives sont méprisées, ce travail serait utile pour la suite.
Auparavant, l’engagement de Jean-Louis Girodot dans la presse l’avait conduit à être pendant longtemps secrétaire général de la Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS), vice-président de la Coopérative d’information et d’édition mutualiste (Ciem), président de l’Association de développement de la Recma (ADRecma), qui fut pendant plusieurs années l’association éditrice de la Recma, et membre de son comité de rédaction.
Dirigeant et homme de presse, il se tenait toujours au fait de l’actualité et des dossiers du moment ; personnalité institutionnelle, il croyait à la nécessité de réflexions anticipatrices pour assurer l’évolution des structures dont il était responsable. Le journalisme est par définition le récit de l’éphémère. Jean-Louis Girodot souhaitait laisser une trace plus durable, d’où ces deux livres en collaboration avec Scarlett Courvoisier – Une autre façon d’entreprendre. Entretiens mutualistes et Une autre façon d’entreprendre. Entretiens coopératifs – dans lesquels sont décrits les parcours des plus importants responsables de l’économie sociale de la génération à laquelle il appartenait. L’économie sociale se reconnaît, en effet, dans l’action des hommes et des femmes au service d’un projet collectif. Jean-Louis Girodot savait reconnaître chez d’autres la force de conviction qu’il portait en lui.
Ses mérites et ses engagements ont été reconnus par la République, qui l’a nommé officier de la Légion d’honneur en 2004 et commandeur de l’Ordre national du mérite en 2017. Ses interlocuteurs conserveront le souvenir d’un homme agréable, disponible et entreprenant, et l’économie sociale celui d’un ami militant, dévoué et sincère.
Scarlett Wilson Courvoisier, Marcel Hipszman et Gérard Leseul
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