A Lille, un colloque dédié au mouvement des associations de travailleurs au XIX e siècle

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Les 7 et 8 octobre 2019, à l’Institut de recherches historiques du Septentrion (université de Lille), s’est tenu un colloque sur le mouvement des associations de travailleurs au XIX e siècle, organisé par Carole Christen (université de Lille), Caroline Fayolle (université de Montpellier) et Samuel Hayat (CNRS Lille, Ceraps). Son but était d’insérer l’association ouvrière dans l’histoire longue des formes d’organisation de travailleuses et des travailleurs, tout en restituant la pluralité des sens du mot « association ». Pour souligner cette polysémie, les organisateurs se sont inspirés du travail de l’historien Rémi Gossez, qui a montré la plasticité à la fois du concept d’association et des formes concrètes prises par l’association ouvrière, ainsi que le rôle de cette dernière dans l’histoire des organisations de travailleurs, des corporations aux syndicats (Rémi Gossez, 1968, Les Ouvriers de Paris. Tome 1 : L’Organisation, 1848-1851, Paris, Société d’histoire de la Révolution de 1848.).
Le colloque s’est déroulé en quatre temps, selon un plan chronologique organisé autour de la révolution de 1848 en France. Non que l’expérience de l’association ouvrière ait été particulièrement plus développée en France qu’ailleurs, mais, en 1848, se révèlent et s’opposent publiquement des conceptions antagonistes de l’association, qui était devenue sous la monarchie de Juillet un slogan commun aux mouvements républicains, socialistes et ouvriers en formation. En France, 1848 fonctionne alors comme un révélateur des ambiguïtés inhérentes à l’association, en particulier l’association ouvrière, et un catalyseur des oppositions et des classements qui se construisent progressivement à partir de ces oppositions. Dès lors, et jusqu’à la fin du siècle, une spécialisation s’opère et les rôles se répartissent entre coopératives, partis et syndicats, sans que la pluralité interne à la notion d’association ne disparaisse complètement.

L’association en France avant 1848
Après une présentation des fonds des Archives nationales du monde du travail (ANMT Roubaix) sur les associations ouvrières et les mouvements sociaux par l’archiviste Louise Roger-Estrade, la première session, présidée par Thomas Bouchet (Lausanne), a été consacrée à l’essor de l’organisation ouvrière pendant les années 1830-1840. François Jarrige (Bourgogne) est revenu sur les pratiques associationnistes des imprimeurs-typographes sous la monarchie de Juillet, à la suite du mouvement des « briseurs de machines » de juillet 1830. Carole Christen a présenté l’Association libre pour l’éducation gratuite du peuple (1831-1834), issue d’une scission au sein de l’Association polytechnique. La communication de Jean-Christophe Balois-Proyart (Panthéon-Sorbonne) portait sur le projet d’une société générale des fabricants de rubans de Saint-Étienne au début des années 1840, qui visait, selon l’auteur, à permettre aux ouvriers d’accéder enfin au crédit et aux matières premières. Christos Andrianopoulos (EHESS) a parlé de L’Organisation du travail, ouvrage publié par Louis Blanc en 1839. Ces interventions ont éclairé la diversité non seulement des formes, mais aussi des usages de l’association.
La deuxième session, présidée par Sylvie Aprile (Nanterre), portait sur la II e République, parfois considérée comme un âge d’or des associations ouvrières. Selon Vincent Robert (Panthéon Sorbonne), l’Union des associations parisiennes de Jeanne Deroin et Pauline Roland a été démantelée en 1850 parce qu’elle s’apprêtait à mettre en service des bons d’échange qui auraient permis aux associations de se passer de monnaie, et donc d’être autonomes et reliées entre elles. Mathias Pareyre (Lille) a montré comment les Voraces lyonnais, initialement proches d’une coopérative de consommation, sont devenus en 1848 une véritable milice ouvrière. Enfin, Jean-Louis Laville (Cnam) a présenté son livre Réinventer l’association (Desclée de Brouwer), qui venait de paraître.
La troisième session, présidée par François Jarrige, s’intéressait à la diversité des expériences locales et internationales dans la seconde partie du XIX e siècle. Robin Launay (Rouen), Costantino Paonessa (Louvain), Céline Bellan (Bourgogne) et Joëlle Petit (Cnam) ont successivement présenté la Société ouvrière de Messine (1860-1914), qui visait à éduquer les ouvriers pour en faire des citoyens, les ouvriers italiens en Égypte (1861-1880), les associations ouvrières au Creusot et les syndicats marbriers belges, donnant à voir une pluralité de pratiques associationnistes.

L’institutionnalisation des associations ouvrières
Une dernière session sur les voies multiples de l’institutionnalisation des associations ouvrières était présidée par Philippe Darriulat (Science Po-Lille). Anna Safronova (Panthéon-Sorbonne) a évoqué les associations de production en Russie (1870-1922), autour de la question des coopératives (les « artels »), rapidement supplantées par d’autres modes d’action, mais qui se maintiennent avant et après 1917. Cyril Melot (Paris-8) a montré comment le rapport des socialistes aux associations de travailleurs, initialement structurant, est devenu progressivement purement instrumental. Le financement autonome des associations de travailleurs a été analysé par Olivier Chaïbi (Paris-Est Créteil), de l’échec la Banque du Peuple (1849) à la faillite de la Société du crédit au travail (1868). Enfin, Chloé Gaboriaux (Science Po-Lyon) est revenue sur la reconnaissance d’utilité publique des associations ouvrières (1879-1914), seul moyen pour une association, au XIX e siècle, d’avoir une personnalité morale.

En conclusion, Michèle Riot-Sarcey(Paris-8) a souligné que le colloque avait permis de redécouvrir des formes d’auto-organisation entre individus contraints de se défendre contre l’exploitation et la domination, et dont on retrouve des échos aujourd’hui dans les textes émanant de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ou de certains collectifs de Gilets jaunes fédérés.

Samuel Hayat