L’Esper fête ses 10 ans et prend un nouvel élan pour développer l’ESS à l’école
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En dix ans, L’Esper (Économie sociale partenaire de l’école de la République), association qui regroupe aujourd’hui 43 organisations intervenant dans le champ de l’éducation, a bien grandi. Pour preuve, le nombre croissant d’enseignants et d’élèves qui pilotent ou participent à des actions d’éducation à l’économie sociale et solidaire par une expérimentation de son modèle. En dix ans, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’élèves et d’enseignants qui ont découvert ou pris part à la Semaine de l’ESS à l’école, un temps fort durant lequel les établissements de la maternelle au lycée accueillent des initiatives de l’ESS.
La démarche a pris de l’ampleur en 2016 avec le lancement du programme « Mon entreprise sociale et solidaire à l’école » (encore appelé « Mon ESS à l’école »), qui permet à des lycéens de travailler sur un projet de création d’entreprise de l’ESS. Après 30 projets accompagnés la première année, la 5 e édition, cette année, en comptait 120, et ceci malgré la crise sanitaire. Comme le montrent les premiers résultats de l’étude d’impact réalisée en 2019-2020, ces approches éducatives répondent à une attente et à des besoins : 98 % des élèves ayant participé à « Mon ESS à l’école » ont envie d’aider les autres, et 89 % de participer à un projet collectif. En vivant une démarche collective de création de projet social et solidaire sous la forme d’une association, d’une coopérative ou d’une mutuelle, élèves et professeurs s’approprient l’ESS. Ils disent même vouloir la rejoindre : 97 % des enseignants intègrent les principes et valeurs de l’ESS dans leur pratique pédagogique, et plus de la moitié des enfants aimeraient faire un stage ou travailler dans l’ESS. Les élèves disent développer des compétences individuelles et collectives : 75 % d’entre eux savent mieux travailler en groupe et 57 % gagnent en polyvalence. Preuve encore que cette approche vient combler une attente : l’évolution du profil des enseignants. En cinq ans, on est passé d’un profil de profs militants – le plus souvent en économie-gestion ou dans le domaine de la pédagogie – à un groupe beaucoup plus varié.
Définir des ambitions claires et les partager
Un tel projet repose sur de véritables défis : définir des ambitions claires et communes grâce à l’expression et à la participation des jeunes eux-mêmes (en cela, les Coopératives jeunesse de services peuvent être un exemple, et des synergies sont sans doute à trouver avec elles), ou encore rassembler des partenaires intéressés par l’éducation à l’ESS en fédérant au-delà des organisations historiques de L’Esper. En effet, si l’éducation à l’ESS en milieu scolaire était, au départ, le domaine privilégié des organisations historiques, toutes engagées dans l’Éducation nationale, les choses évoluent.
Afin d’appréhender tous ces enjeux et de construire l’avenir, une rencontre en ligne s’est déroulée le 21 janvier à l’occasion des 10 ans de L’Esper. Deux tables rondes ont permis d’aborder deux dimensions essentielles de cette projection. Tout d’abord : prendre la mesure de son histoire et du chemin parcouru sur un plan institutionnel et organisationnel. Ainsi, la première table ronde a réuni des militants historiques et actuels des organisations membres de L’Esper. André Henry, instituteur et secrétaire général de la FEN (Fédération de l’Éducation nationale), et Charlotte Siney, historienne, sont revenus sur les fondements du CCOMCEN (Comité de coordination des œuvres mutualistes et coopératives de l’Éducation nationale), qui a précédé L’Esper : réunies dès 1972, des organisations de l’économie sociale de la sphère enseignante avaient ainsi la volonté de mutualiser leurs forces pour construire une « société d’inspiration socialiste », dans un contexte où l’économie sociale et solidaire que l’on connaît aujourd’hui était balbutiante.
Cependant, le projet prendra la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE), qui sera fortement impacté par les difficultés économiques rencontrées par des organisations membres dans les années 2000. Le principe de solidarité entre les organisations est alors mis à mal, et les ambitions, jugées trop importantes, sont remises en question, sans toutefois altérer l’envie de « faire ensemble », comme l’ont précisé Roland Berthilier, président fondateur de L’Esper, et Christian Chevalier, ancien secrétaire général de l’Unsa Éducation. C’est ainsi que, fin 2010, est dissous le CCOMCEN et créé L’Esper, afin de faire vivre la devise élargie « Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité », avec l’intuition que l’éducation à l’ESS sera un fil conducteur. Agnès Bathiany, présidente du Cape (Collectif des associations partenaires de l’école publique) (1), et Marie Michelle Toussaint, correspondante de L’Esper en Martinique, ont insisté sur la force de L’Esper qui peut prendre appui sur la diversité de l’économie sociale et solidaire, dont les champs d’activité vont du médico-social à la finance, grâce à l’action collective.
Transformer la société par l’éducation
La seconde table ronde, intitulée « La coopération et l’éducation à l’ESS pour transformer la société ? », a permis de revenir sur les réalisations des dix dernières années dans les territoires et de partager quelques perspectives. Jamila Hafsi et Serge Pellegrini, enseignants au collège Maurice-Jaubert de Nice, qui ont participé à la création d’une webradio associative dans le cadre de « Mon ESS à l’école », ainsi que Mustapha Mansouri, directeur d’école à Orly, où des éco-projets ont été menés avec une ressourcerie, ont insisté sur la plus-value des programmes d’éducation à l’ESS. Ceux-ci permettent en effet d’aborder des questions tant économiques que citoyennes, comme l’utilité sociale et l’engagement, avec des méthodes pédagogiques reposant sur les mises en situation et la coopération entre les élèves. Ces démarches sont qualifiées de « complètes ». Comme l’ont précisé Sandrine Rospabé, maîtresse de conférences en sciences économiques à l’université de Rennes-1, et Muriel Dagens, coordonnatrice académique adjointe pour l’éducation au développement durable au rectorat de Bordeaux, les acteurs de l’ESS devraient davantage se faire connaître. ls sont légitimes à agir au sein de l’institution scolaire, par exemple en proposant des stages de formation (organisés avec des structures de L’Esper) à destination des enseignants. Roger Crucq, militant associatif et trésorier de L’Esper, a rappelé que l’association possède de formidables outils et de belles ambitions pour l’école et la société. De son côté, Mathieu Devlaminck, président de l’Union nationale lycéenne, a souligné l’importance de prendre appui sur les souhaits et les attentes des enseignants comme des jeunes pour aborder l’avenir.
Au moment de clore cette rencontre, Bertrand Souquet, président de L’Esper, a souligné que l’association se trouve à un tournant, d’une certaine façon victime de son succès auprès du publicenseignant et des acteurs de l’ESS, avec un accroissement des demandes et une difficulté à y répondre. C’est pourquoi l’association entame aujourd’hui un travail sur sa raison d’être et la redéfinition de son projet. Un collectif qui s’interroge et se remet en question est toujours plus fort.
Thibault Sauvageon
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