L’Économie sociale et solidaire. Un nouveau modèle de développement pour retrouver l’espoir

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Jean Gatel, Éditions Libre & Solidaire, 2020, 216 pages

Dans sa biographie politique intitulée « Si ça vous amuse », Michel Rocard 1 raconte comment, le 25 mai 1981, alors qu’il vient d’être nommé ministre d’État chargé du Plan et de l’Aménagement du territoire par Pierre Mauroy, il demande à être également chargé de l’économie sociale. Mais, malgré le soutien  du Premier ministre, il fait face à un étonnant revers de la part du Conseil d’État : « L’économie sociale, cela n’existe pas. Il convient de la créer d’abord. Puis trouver un ministre ne pourra se faire qu’après ! » Face à cette ignorance de l’histoire des faits et de la pensée en économie sociale, Michel Rocard demande que lui soit alors confiée, outre le ministère du Plan et de l’Aménagement du territoire, la tutelle du Conseil supérieur de la coopération. C’est ainsi que sont créés, sous son autorité, le Conseil supérieur de l’économie sociale, la Délégation interministérielle à l’économie sociale et l’Institut de développement de l’économie sociale.
C’est dans ce contexte politique du début des années 1980, favorable à l’économie sociale, que s’inscrit le propre essai de biographie politique de Jean Gatel. Au-delà de sa démarche biographique, cependant, l’auteur prend position, apportant au lecteur la dimension militante qui, souvent, fait défaut : « Au milieu de cette tempête qui secoue le monde, submergé au même instant par des crises politiques, sociales et surtout écologiques sans précédent, je veux affirmer ma conviction que l’économie sociale et solidaire, plus qu’un ensemble d’entreprises et d’entrepreneurs, est un nouveau modèle de développement, peut-être le seul qui puisse encore sauver notre planète et les humains qui la peuplent » (p. 7). Au gré des onze chapitres de ce livre, nous voyons ainsi Jean Gatel – ancien secrétaire d’État à la Défense devenu secrétaire d’État chargé de l’Économie Sociale (1984-1986) – découvrir l’économie sociale au sein de la « Mitterrandie », dans les pas de Danielle Mitterrand, laquelle était « persuadée que le redressement français passerait par l’éclosion d’initiatives solidaires portées par de nouveaux entrepreneurs » (p. 15).
Sa nomination suscitant « autant d’enthousiasme que de craintes » (p. 23) auprès des acteurs et des réseaux de l’économie sociale d’alors, Jean Gatel s’emploie à démontrer que l’économie sociale n’est pas seulement cette économie qui cherche à rendre les hommes plus heureux (Gide, 1915) 2 , mais une économie du développement local, devenu « territorial », qui repose sur trois valeurs portées par les entreprises de l’économie sociale : la responsabilité, la solidarité et la capacité d’innovation et de création (p. 39). C’est à partir de cette posture qu’il porte aujourd’hui un regard critique sur la loi Hamon (dite « loi ESS ») du 31 juillet 2014, qu’il qualifie de « texte ambigu » (p. 85) parce qu’elle élargit le périmètre de l’ESS à des sociétés commerciales prônant une lucrativité limitée et parce qu’elle reconnaît, de facto, la génération des « entrepreneurs sociaux » (p. 89) et de leur mouvement : le Mouves. Selon lui, « après la préparation verbale, nous aurons la concrétisation juridique : la disparition du concept ESS, noyé dans une vertueuse définition juridique de l’entreprise sociale ! » (p. 103).
Pourtant, en dépit de ce fatalisme, Jean Gatel nous surprend par son optimisme quand il rend compte de « la mondialisation de l’économie sociale et solidaire » (p. 143). Pour lui, « l’économie sociale est en train de bourgeonner un peu partout dans le monde, sous des vocables différents ». Il illustre son propos à partir de son parcours personnel, qui l’a conduit, depuis 2017, à parcourir le Maroc et à y enseigner. Un pays qui « a engagé une réflexion de fond sur un nouveau modèle de développement » (p. 145), entraînant dans son sillage la Tunisie, l’Algérie et le Sénégal. La conclusion de son essai biographique est d’ailleurs teintée de cet espoir qu’il formule ainsi : « L’économie sociale et solidaire n’est pas soluble dans le néolibéralisme, pas plus en France qu’en Europe ou dans le monde » (p. 155).
Jean Gatel nous offre un essai à la fois biographique et militant, fort agréable à lire, qui participe de ces ouvrages « engagés » pour faire comprendre les enjeux et les défis de l’économie sociale et solidaire. Face au contexte de crise suscité par la pandémie de Covid-19, il témoigne également non seulement du souhait mais de la volonté de changer de système pour un « autre » modèle de développement humain, plus soutenable, c’est-à-dire tout à la fois économiquement viable, socialement responsable, respectueux de l’environnement naturel et prônant un modèle démocratique plus radical. Tel est l’espoir que Jean Gatel nous fait partager !

Pascal Glémain

(1) Michel Rocard, 2010, « Si ça vous amuse ». Chronique de mes faits et méfaits, Paris, Flammarion.
(2) Charles Gide, 1915, Principes d’économie politique, Paris, Librairie de la société du Recueil Sirey, p. 4.