Quand les territoires inventent leur monnaie

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En ces temps de crise financière, où l’on parle "rigueur" et "austérité", "dette publique qu’il faut réduire", où il faut "rassurer les marchés », des collectivités locales et des habitants de communes n’hésitent pas, dans un élan démocratique, à se réapproprier la complexe question financière. Comment ? En lançant, dans le champ de l’Economie sociale et solidaire, des expériences alternatives. Convaincus qu’une «autre finance est possible». Un dossier de La Gazette.fr.

Les monnaies officielles, « de facilitateur d’échanges, sont devenues une fin en soi », explique Patrick Viveret, philosophe et ancien conseiller maître à la Cour des comptes. Elles sont « un objet d’accumulation, un vecteur d’appropriation de la richesse au détriment du lien social et de l’intérêt collectif ».

Par leur utilisation spéculative, elles se sont globalement déconnectées de leur usage initial. Pour preuve, notamment, ce chiffre : 97 % des transactions en monnaies « officielles » circulent dans les sphères spéculatives et seulement 3 % dans l’économie réelle.

 

Monnaies complémentaires à l’euro, pas alternatives - Pour lutter contre ces dérives, des habitants de plusieurs communes de France ont créé des devises indexées à l’euro. C’est ainsi qu’après l’Abeille, première monnaie locale à voir le jour dans la commune de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) en janvier 2010, six autres projets se sont concrétisés, grâce à des initiatives populaires, et une vingtaine de projets sont en cours d’élaboration.

Un mouvement non seulement local, mais aussi global, puisque l’on recenserait à travers le monde environ 5 000 monnaies locales qui circulent de façon complémentaire aux monnaies officielles. A noter qu’il serait plus exact de parler de « renouveau » : les monnaies locales complémentaires étaient déjà en cours à l’époque des Pharaons, entre 3 000 et 1 000 avant JC ; avant de gagner l’Europe au Moyen Age, autre grande période de prospérité.

Puis elles sont réapparues suite à la grande crise de 1929, notamment en Allemagne et en Autriche, ainsi qu’en Suisse, en 1934, année de création du WIR qui est toujours en circulation.

 

Les monnaies locales permettent de réaliser des échanges contre des biens ou des services proposés sur un territoire délimité. Et ce, entre des utilisateurs et des prestataires membres d’un réseau, qui s’engagent à respecter un ensemble de valeurs sociales et éthiques. Les objectifs sont multiples, parmi lesquels : faire de l’éducation populaire en permettant aux citoyens de se réapproprier les questions d’argent.

 

Ancrage territorial - Autres ambitions : redynamiser l’économie locale en favorisant l’ancrage territorial puisque les transactions en monnaies locales, elles, « voyagent » à 100 % dans l’économie réelle. Créer de la cohésion sociale en soudant une communauté sociale autour d’un système d’échange commun. Ou encore, défendre une certaine éthique dans une logique d’économie sociale et solidaire (ESS), en conformité avec un développement humain soutenable, puisque les monnaies locales sont dédiées à l’achat de biens et de services proposés par des prestataires signataires d’une charte.

Un document qui les encourage, comme c’est le cas par exemple à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, dans laquelle circule « la mesure », à participer à la vie locale, intégrer la dimension écologique, contribuer à une société plus décente et prendre en compte l’humain et le citoyen via des relations conviviales ou une organisation démocratique. En résumé, faire des citoyens des « consomm’acteurs ». 

Face à ces initiatives ascendantes, les collectivités territoriales ne sont pas en reste. Soucieuses de favoriser les activités ou les échanges qui participent de logiques d’utilités écologiques et sociales, elles aussi se lancent dans des expériences alternatives.

C’est ainsi que, dès 2006, selon le concept de Patrick Viveret, ancien conseiller référendaire à la Cour des Comptes et philosophe, trois conseils régionaux (Bretagne, Ile-de-France et Nord-Pas-de-Calais), avec l’appui de poids lourds de l’ESS (Chèques Déjeuners, Crédit coopératif, MAIF et MACIF), ont testé le SOL.

Une monnaie solidaire, ni parallèle, ni alternative à l’euro, mais un moyen complémentaire d’échanges qui fonctionne comme une carte de fidélité et permet de comptabiliser des échanges autres qu’uniquement marchands. L’objectif étant de fonder une communauté de valeurs à côté des circuits monétaires traditionnels.

Quelque peu endormie, cette expérimentation s’est réveillée grâce à la ville de Toulouse qui, au printemps 2011, a lancé – et avec succès – le SOL-Violette.

Echanger autre chose que de la monnaie - Parallèlement aux monnaies locales, les initiatives prenant comme unité de compte des échanges, non pas l’argent, mais le temps, se multiplient. En témoigne le foisonnement des Systèmes d’échanges local. Depuis 1994, année de fondation du premier SEL en France, on en recense aujourd’hui 450. Objectif : remettre de l’humain au cœur de l’échange de biens, de services ou de savoirs suivant un principe de réciprocité globale.

En témoigne également l’ouverture, cet automne, de deux Accorderies, à Paris et Chambéry, à l’initiative de la Fondation Macif et avec le soutien financier de collectivités locales.

Ce système, très populaire au Québec, a pour ambition de lutter contre la pauvreté et l’exclusion en permettant aux adhérents de s’ouvrir aux autres et d’améliorer leurs conditions de vie via l’échange, non pas d’argent ou de biens, mais de temps passé à se rendre service.

Autant d’expériences qui s’inscrivent dans une perspective de solidarité, d’utilité écologique et sociale. Et non marchande.

Derrière ces initiatives se pose, in fine, la question de nos indicateurs de richesse, quand sa représentation se réduit à la monnaie à laquelle on attribue de la valeur. Comment, alors, sortir des effets pervers du PIB, ainsi que s’interrogeait Nicolas Sarkozy en février 2008 en demandant au prix Nobel d’économie Jospeh Stiglitz, de proposer de nouveaux outils de mesure de la performance d’un pays ? Cet indicateur ne s’intéresse pas, en effet, à la nature des activités dans le calcul de nos richesses, mais uniquement au fait de savoir si elle génère un flux monétaire… Ce qui est nettement insuffisant pour traiter de questions fondamentales, qu’elles soient d’ordre social, sanitaire ou écologique, tant pour les Etats que les collectivités locales.