Diversité et potentialités de l’ESS au Maghreb dans un contexte de transition

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Depuis les Printemps arabes, la Recma s’est fait l’écho du dynamisme de l’économie sociale et solidaire au Maroc, en Algérie et en Tunisie au travers de plusieurs articles (M. Jaad et E. Erraoui, « Tissu associatif et cohésion sociale au Maroc : le cas de la province de Taroudant », Recma n° 333, 2014 ; M.-A. Zoreli, « La régulation solidaire en Kabylie : l’exemple du village de Tifilkout », Recma n° 339, 2015 ; A. Roumane, « Structures coopératives et valorisation économique de la biodiversité : cas de la filière d’huile d’argan au Maroc », Recma n° 345, 2017 ; F. Elachab, « L’économie sociale en Tunisie », Recma n° 349, juillet 2018.) qui ont mis l’accent aussi bien sur les formes traditionnelles de solidarité que sur leur renouvellement dans un moment de transition économique et politique. Les textes présentés dans ce dossier offrent un aperçu de la pluralité des expériences menées dans ces trois pays du Maghreb. L’essor du mouvement associatif, les mises en réseau nationales ou sous-régionales, ou encore l’attention inédite des politiques publiques (Ipemed, 2013) – dont témoignent les projets de lois-cadres sur l’ESS en Tunisie et au Maroc et la nomination d’un ministre ad hoc en Tunisie en novembre 2018 – sont autant d’indicateurs de la promotion de l’ESS dans un contexte socio-économique difficile pour les pays de la sous-région. L’ESS est perçue par de nombreux acteurs – notamment les pouvoirs publics, nationaux ou locaux – comme une contribution à la résolution des problèmes de sous-emploi, de pauvreté, de gestion des ressources naturelles ou d’inégalités territoriales.
Parmi les dynamiques observées, les aspirations démocratiques qui se manifestent dans la région semblent a priori favorables au fait associatif, ainsi qu’en témoigne l’article de Sonia Bendimerad, Kamel Boussafi et Amina Chibani dans le cas de l’Algérie. Mais la liberté associative demeure fragile et très encadrée par les pouvoirs publics. Karima Boudedja et Saliha Belgacem montrent, à travers l’exemple de la gestion intégrée de l’eau des retenues collinaires, comment les modes d’encadrement historiquement hérités par les pouvoirs publics peuvent bloquer la participation des principaux intéressés et susciter des difficultés pour valoriser un bien commun comme l’eau d’irrigation.
De fait, même si les articles de ce dossier n’abordent pas les solidarités issues des pratiques religieuses, pourtant très importantes dans la région, d’autres pratiques d’auto-organisation, souvent à la marge des modèles économiques promus par les autorités, s’institutionnalisent difficilement dans un secteur aux références parfois trop « occidentalo-centrées » (El Idrissi, 2017). Ainsi, les communautés qui exploitent le zgougou dans les pinèdes tunisiennes perpétuent d’anciennes pratiques de solidarité en les adaptant à leurs systèmes d’activités (Hamza Ayari).
Enfin, l’innovation socio-économique semble passer, pour de nombreux acteurs nationaux comme internationaux, par la promotion de l’entrepreneuriat social. C’est le cas en Tunisie (Raheb Ben Abdallah, Amina Béji-Bécheur et Olfa Zeribi), notamment dans les régions du centre, négligées par les investisseurs privés (Julien Dutour et Hassan Hajbi). Mais la pérennité des innovations demeure fragile, et leur récupération par le marché peut susciter des interrogations quant au maintien de leur mission sociale. Asmae Diani examine ainsi la question de la commercialisation des associations de microcrédit, consécutive à la crise traversée par le secteur de la microfinance au Maroc à la fin des années 2000.
Face aux potentialités de changement social dont est porteuse l’économie sociale et solidaire, les six articles donnent une vision plus nuancée des réalités actuelles au Maghreb. L’ESS peine à sortir des modèles hérités et de l’instrumentalisation politique dont elle a historiquement fait l’objet. Elle doit s’ancrer dans les réalités locales et les pratiques traditionnelles de solidarité avant de s’inspirer des statuts et dispositifs élaborés en Europe occidentale et promus à l’échelle internationale.
Enfin, bien qu’intégrant comme priorité stratégique les plans de développement et les politiques économiques, ses organisations demeurent à la recherche des modes de financement durable qui leur permettraient de poursuivre leurs finalités sociales tout en consolidant leur autonomie.
Autant de défis et d’espoirs pour que le potentiel d’émancipation de l’économie sociale et solidaire puisse accompagner les transformations politiques et économiques auxquelles la sous-région continue d’aspirer.
Reste qu’un seul dossier ne saurait suffire à rendre compte de la diversité des pratiques de solidarité, des expériences et des initiatives dans cette vaste région géographique. Aussi, nous souhaitons que cette publication marque le début d’une collaboration soutenue entre la revue et les chercheurs maghrébins, appelés à faire part au lectorat de la Recma de l’avancée de leurs travaux.

François Doligez et Patricia Toucas-Truyen

Bibliographie
- El Idrissi S., 2017, « Peut-on parler d’un mouvement de l’économie sociale et solidaire en Tunisie ? », communication au Forum international de l’économie sociale et solidaire, « Engagement, citoyenneté et développement : comment former à l’économie sociale solidaire ? »
- Ipemed, 2013, « L’économie sociale et solidaire au Maghreb, quelles réalités pour quel avenir ? »