Athènes : le Forum international de droit coopératif réunit juristes, économistes et étudiants

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Le droit coopératif, qui, il y a encore quelques années, n’intéressait qu’une poignée d’experts, suscite un intérêt croissant. Pour preuve, l’International Journal of Cooperative Law, nouvelle revue académique, a sorti son premier numéro en juin 2018. Dirigé par des spécialistes et destiné à un lectorat de praticiens comme de chercheurs, avec à terme deux numéros par an, il est librement accessible en
ligne (https://iuscooperativum.org/archives). Il rassemble, après une sélection conforme aux canons académiques, des analyses de fond, des commentaires législatifs et jurisprudentiels ainsi que des contributions de nature à susciter la réflexion. Dans le « coin du praticien », les juristes de droit coopératif peuvent ainsi confronter leurs regards issus de leur expérience pratique. Chaque livraison propose une interview d’un chercheur expérimenté, qui fournit son point de vue sur les évolutions majeures et les défis du droit coopératif – Hans-Hermann Münkner a été le premier à se soumettre à l’exercice.
Mais la recherche se nourrit tout autant de rencontres physiques que d’écrits. C’est ainsi que, après un premier rendez-vous en Uruguay en 2016 (dont la Recma s’était fait l’écho), le deuxième Forum international de droit coopératif s’est tenu du 26 au 28 septembre 2018 à Athènes, en Grèce, à l’initiative du groupe Iuscooperativum, groupe informel de juristes de droit coopératif issus de tous pays, et avec le soutien symbolique de l’Alliance coopérative internationale (ACI). En Uruguay, la présence d’une centaine de juristes coopératifs pouvait être interprétée par un observateur européen comme le signe du fort développement du mouvement coopératif en Amérique latine. Mais le forum d’Athènes a rassemblé sensiblement le même nombre de participants, avec plus de cinquante communications données par des intervenants de quatre continents et de près de vingt pays : Canada, Brésil, Colombie, Uruguay, France, Espagne, Portugal, Italie, Finlande, Hollande, Belgique, Turquie, Israël, Inde, Indonésie, Australie et Grèce (Communications accessibles ici : https://iuscooperativum.org/call-for-papers-2). Au registre des absents : l’Europe de l’Est, l’Amérique du Nord, le Moyen-Orient et la Chine. Le colloque n’en a pas moins été un franc succès, alors que, quelques mois auparavant, les organisateurs doutaient de pouvoir attirer suffisamment de monde.

Ancrer la réflexion juridique
Concernant la substance de ce colloque, les intervenants se sont penchés à la fois sur des sujets traditionnels et sur des questions d’avenir. Le droit coopératif n’est pas encoreune branche figée de la discipline juridique, si bien qu’il est important de toujours ancrer la réflexion sur ses bases les plus solides. C’est ainsi que les principes coopératifs (et particulièrement les principes européens de droit coopératif. Voir Gemma Fajardo, Antonio Fici, Henrÿ Hagen, David Hiez, Deolinda Meira, Hans-Hermann Münkner et Ian Snaith, Principles of European Cooperative Law, Intersientia, 2017. ) et l’identité coopérative ont donné lieu à d’intéressantes communications qui ont permis de mesurer la proximité des différentes législations nationales existant dans le monde sur ces points. Mais le colloque n’a pas négligé les questions plus actuelles, comme les coopératives d’énergie ou les plateformes, et plus largement la révolution Internet. Parallèlement, les organisateurs avaient déterminé deux autres angles utiles : un focus sur quelques coopératives particulières (bancaires, agricoles, mais aussi entreprises sociales) et l’articulation du droit coopératif avec d’autres branches de la discipline (droit du travail, droit fiscal, droit constitutionnel, sans oublier les droits fondamentaux).
Tout comme le précédent forum avait été l’occasion de découvrir le droit coopératif latino-américain et ses préoccupations majeures, le rendez-vous d’Athènes a permis d’appréhender la réalité du droit coopératif en Grèce, où les entreprises coopératives, marquées par la crise monétaire et économique qui a frappé le pays, sont également confrontées à la vague de réfugiés que nous connaissons en France et dans d’autres pays d’Europe. Dans le secteur toujours très actif de la coopération agricole, le système grec a récemment vu ses coopératives à adhésion obligatoire remises en cause par la Cour européenne des droits de l’homme, au nom de la liberté de ne pas s’associer, alors même que le dispositif était encadré par la Constitution grecque. Une décision d’autant plus mal perçue que ces structures ont été des acteurs majeurs de l’économie natio- nale et représentent un modèle de réussite pour l’exportation de denrées spécifiques à certaines régions, comme le safran de Kozani, la mastika (liqueur) de Chios et le vin de Samos.
Une table ronde sur le cadre juridique grec a donné lieu à une discussion animée sur la question de savoir si les coopératives ouvertes exclusivement aux femmes devraient ou non être autorisées, notamment au regard du premier principe coopératif dit de la « porte ouverte » et du contexte juridique actuel, tout comme de la place des femmes en Grèce. Le second point mis en avant a été la fragmentation de la législation coopérative et les difficultés de la coordonner avec celle sur l’économie sociale et solidaire. En effet, les coopératives sont régies par « type » (coopératives bancaires, agricoles, etc.), et chacune peine à remplir les conditions posées pour entrer dans l’ESS, si bien qu’elles s’en trouvent finalement exclues.

Établir un langage commun entre juristes et économistes
Deux nouvelles activités ont été introduites le premier jour du forum : un atelier destiné aux étudiants et une table ronde rassemblant juristes et économistes. La première est le fruit d’une collaboration avec l’Association des étudiants en droit, notamment sa branche grecque. Plus de vingt élèves de niveau licence et master y ont participé, issus de divers horizons comme l’agronomie, la gestion, l’économie ou le droit, avec le désir commun d’en apprendre davantage sur le droit coopératif, abordé souvent pour la première fois. La curiosité des étudiants a été tout particulièrement piquée par les plateformes coopératives émergeant avec les nouvelles technologies. La table ronde des économistes et des juristes, quant à elle, a cherché à établir des bases pour une approche commune des coopératives et un enrichissement réciproque des deux disciplines. Les échanges ont porté sur la façon de définir les coopératives, mais aussi de répondre aux défis liés à leur complexité croissante et au dépassement de l’âge où elles étaient « enfants de la nécessité ». Les conclusions du débat ont souligné qu’il subsiste d’importantes différences d’approche et qu’une participation croisée de juristes et d’économistes aux conférences était nécessaire pour établir progressivement un langage commun.

Forts de cette réussite, tous les participants se sont donné rendez-vous dans deux ans, probablement en Asie. En attendant, pour ne pas perdre le contact, outre la lecture de l’International Journal of  Cooperative Law, toutes les personnes intéressées par le droit coopératif enrichiront leur connaissance des solutions mises en œuvre dans d’autres pays par la fréquentation du site Iuscooperativum et l’abonnement à sa lettre d’actualité (https://iuscooperativum.org). Sur le site, ils trouveront notamment une carte interactive permettant d’identifier des spécialistes dans toutes les zones géographiques, carte qui a vocation à s’étoffer (https://iuscooperativum.org/international-list-of-smth/). Mais, comme le virtuel n’est que le stimulant de la réalisation effective, rendez-vous dans deux ans !

Ifigeneia Douvitza et David Hiez